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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

cession et l’armée de la Superposition, il leur répondit par sa devise habituelle, qui n’était pas tout à fait celle de Sosie :

— Messieurs, ennemi de tout le monde !

Et comme ils insistaient, demandant :

— De l’harmonie et du contrepoint, qu’est-ce qui importe le plus en musique ?

Il répondit :

— La musique. Montrez-moi donc la vôtre.

Sur leur musique, ils étaient tous d’accord. Ces batailleurs intrépides, qui se gourmaient à qui mieux mieux, quand ils ne gourmaient point quelque vieux mort illustre, dont la célébrité avait trop duré, se trouvaient réconciliés en une passion commune : l’ardeur de leur patriotisme musical. La France était pour eux le grand peuple musical. Ils proclamaient sur tous les tons la déchéance de l’Allemagne. — Christophe n’en était pas blessé. Il l’avait tellement décrétée lui-même qu’il ne pouvait de bonne foi contredire à ce jugement. Mais la suprématie de la musique française l’étonnait un peu : à vrai dire, il en voyait peu de traces dans le passé. Les musiciens français affirmaient cependant que leur art avait été admirable, en des temps très anciens. Pour mieux glorifier la musique française, ils commençaient, d’ailleurs, par ridiculiser toutes les gloires françaises du siècle dernier, à part celle d’un seul maître très bon, très pur, — qui était Belge. Cette exécution faite, on en était plus