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Christophe se demandait à quoi servait la critique française. Ce n’étaient pourtant pas les critiques qui manquaient ; ils pullulaient sur l’art français. On n’arrivait plus à voir les œuvres : elles disparaissaient sous eux.

Christophe n’était pas tendre pour la critique, en général. Il avait déjà peine à admettre l’utilité de cette multitude d’artistes, qui formaient comme un quatrième, ou un cinquième État, dans la société moderne : il y voyait le signe d’une époque fatiguée, qui s’en remet à d’autres du soin de regarder la vie, — qui sent, par procuration. À plus forte raison, trouvait-il un peu honteux qu’elle ne fût même plus capable de voir avec ses yeux ces reflets de la vie, qu’il lui fallût encore d’autres intermédiaires, des reflets de reflets, en un mot, des critiques. Au moins, eût-il fallu que ces reflets fussent fidèles. Mais ils ne reflétaient rien que l’incertitude de la foule, qui faisait cercle autour. Telles, ces glaces de musée, où se réfléchissent, avec un plafond peint, les visages des curieux qui tâchent de l’y voir.

Il avait été un temps où ces critiques avaient

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