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Jean-Christophe

te coucher !… Mon pauvre garçon, tu deviens donc tout à fait idiot ?

Mais il repartait de plus belle :

— Tu dois écouter cela !

Et, s’installant à son chevet, il se mit à lui lire la pièce, en reprenant depuis le commencement. Il croyait voir Corinne ; il entendait son accent hâbleur, mordant et sonore. Louisa protestait :

— Va-t’en ! Va-t’en ! Tu vas prendre froid. Tu m’ennuies. Laisse-moi dormir !

Il continuait, inexorable. Il gonflait la voix, il remuait les bras, il s’étranglait de rire ; et il demandait à sa mère si ce n’était pas admirable. Louisa lui avait tourné le dos, et, pelotonnée dans ses couvertures, elle se bouchait les oreilles, et disait :

— Laisse-moi tranquille !…

Mais elle riait tout bas de l’entendre rire. À la fin, elle cessa de protester. Et, comme Christophe, ayant terminé l’acte, la prenait vainement à témoin de l’intérêt de sa lecture, il se pencha sur elle, et vit qu’elle dormait. Alors, il sourit, lui baisa doucement les cheveux, et rentra chez lui, sans bruit.