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La lettre de Platon[1] que tu m’avais fait passer me mit en train d’une réponse que j’ai écrite toute d’un trait. Je raconte l’histoire de cette chasse de dix heures d’horloge, nos représentations, la manière dont elles furent prises, et j’attribue à cette époque, comme je le crois, la naissance du projet de nous quitter. Suivent les détails sur la personne, son éloignement de la bonne compagnie, son empressement pour celle avec laquelle il croit pouvoir ne pas se gêner, etc… ; je demande ce que l’on veut que je fasse d’un homme qui dit : « Je m’ennuie beaucoup ici, j’ai hâte de m’en aller ; l’étude ne me convient pas, je veux d’un autre état et je le veux le plus tôt possible. » Enfin je termine en observant qu’avec la constitution d’un bœuf il a la lâcheté d’un paresseux et la voracité d’un loup ; qu’il n’y a plus que la terrible main de l’adversité qui puisse le maîtriser et le façonner.

Le voyage de Lyon tient son coin dans mon compte rendu ; mais j’ai cru qu’il fallait attendre le retour du personnage et l’effet de la correction paternelle, pour expédier mon annonce du renvoi du jeune homme. Je compte fort que ses dispositions et ma façon de l’admonester concourront à le rendre le plus prochain qu’il soit possible.

La lettre du père est bien faite, elle m’a touchée et fait pâlir ; mais cette âme de bronze n’en sentira d’autre effet que celui qui fait qu’un chien met sa queue entre ses jambes quand il entend crier après lui. Cependant, tout bien réfléchi, s’il n’arrive pas ce soir, ou encore s’il arrive, j’envoie ma lettre demain à la poste par le bon Perret[2]. Il est arrivé hier, à la nuit, ce brave garçon ; j’ai eu du plaisir à le revoir, il en avait à me donner une lettre de toi.

La trop grande humidité de la terre n’a pas permis de continuer aux environs de la cuisine le travail commencé ; on a été autour du clos et l’on en a déjà dépassé la porte rouge ; mais, dès demain, je ferai travailler pour la transplantation que tu m’indiques. L’intérieur de la voûte est fini, je vais voir à y faire accommoder une porte, car

  1. Cousin-Despréaux.
  2. Laurent Perret, un des domestiques du Clos (Inventaire du 18 août 1793, Archives du Rhône, série Q).