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comme sa fortune, peu répandue et fort instruite ; tout entière à son mari beaucoup plus âgé qu’elle, et avec qui elle partage les travaux du cabinet. Je ne sais si vous connaissez ce savant en us, excellent homme au fond, très raide dans ses opinions et son monde, assez versé dans la chimie et diverses parties des sciences, mais très particulièrement dans l’insectologie ; il a un cabinet dans ce genre, fort intéressant, et qui est son ouvrage et celui de sa femme. C’est à peu prés la seule liaison qui me tente à Lyon comme ici ; cependant j’aurai à voir dans la première ville plusieurs personnes intéressantes à divers égards. Les affaires avant tout : partant, je vous laisse et retourne vite pour la demi-heure que vous venez de me prendre.


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[À ROLAND, À LYON[1].]
Dimanche matin, 18 novembre 1787, au retour de la messe, — [du Clos].

J’arrive de la montagne[2] sur laquelle il faut aller prier. J’ai vu ma malade, je viens d’envoyer la bonne et l’enfant s’échauffer à la seconde messe, je gèle au coin d’un feu qui ne saurait brûler, j’attends que les gens aient achevé de déjeûner pour étendre ma lessive, je me sens moitié triste et moitié paresseuse, je t’écris : c’est ma consolation, mon restaurant, mon bonheur. J’ai déjà relu deux ou trois fois tes deux lettres, et quoique je désire de tout mon cœur que tu passes bien ton temps, cependant je suis bien aise que tu t’ennuies de moi, car j’en fais tout autant, et plus littéralement de ton absence.

Pour ma confession pleine et entière, il faut te dire que je n’ai presque point encore travaillé depuis ton départ. Le jour que tu m’as quittée était celui d’une lessive dont les pauvres laveuses ont eu la pluie sur le corps les trois quarts de cette journée ; j’ai voulu t’imiter et, t’ayant vu nettoyer les écuries d’Augias, j’ai entrepris d’approprier la souillarde, j’ai suivi les pionniers ; quant aux maçons, ils ne parurent point, et ce n’était guère leur faute.

  1. Ms. 6230, fol. 205-215.
  2. Du bourg de Theizé.