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Il faut pourtant vous dire au clair que vous recommencez à devenir aimable : cependant vous êtes un peu fanfaron, mais passe à votre âge ! El puis, s’il fallait tout relever de cent lieues !… Au bout du compte et tous fagots à part, nous vous aimons bien et vous embrassons de même. Je ne sais comme vous avez passé votre carnaval ; mot, je suis d’une sagesse à édifier toute la ville : et il le faut bien au moins, car la belle-sœur d’un chanoine fort régulier, qui ne ressemble point du tout à ceux de la capitale, est obligée ici, sous peine de scandale public et particulier, d’être aussi régulière.

Notre Eudora, nos petites délices, croît et raisonne autour de nous. À cet instant, elle fait une petite moue toute jolie, en cherchant à nous embrasser, après avoir reçu du papa quelque touche sur les doigts qui venaient tout déranger sur nos tables. Elle répète votre nom et demande quelquefois à relire ce que vous avez écrit pour elle. Vous ne me dites rien de la chère sœur ; rappelez-nous entre vous deux, et n’oubliez pas, au milieu du changeant Paris, vos amis immuables. Adieu.


179

[À ROLAND, À LYON[1].]
Mercredi, 16 mars 1785, — [de Villefranche].

Que tes nouvelles me font de bien, mon cher bon ami, mais que tes yeux me tourmentent ! J’envoie chercher de la petite pierre pour te procurer un peu de soulagement. Tu me ferais plaisir de consulter M. Colon[2] en lui faisant connaître ton tempérament ; il t’indiquerait peut-être quelque chose d’efficace, et dans tous les cas il serait bon d’avoir, à petite distance, un homme habile qui te connût bien.

Je suis mieux disposée que dimanche ; j’ai repris de l’activité. Ne t’inquiète pas de ces alternatives : ne les vois-tu pas quelquefois ? Elles n’ont jamais d’effet redoutable.

J’arrive à l’instant de chez Mme Préverot[3], à qui j’ai été rendre ma

  1. Ms. 6339, fol. 134-135.
  2. Barthélemy Collomb (1718-1799), professeur au Collège royal de chirurgie de Lyon, membre de l’Académie (Almanach de Lyon, 1784). — Il demeurait « en face de l’Archevêché », c’est-à-dire « à petite distance » de Roland.
  3. Lire Préveraud.