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réjouir de la joie de quelqu’un. Ma femme de chambre se donne les airs de me gronder, elle me choie bien et prend dans tous les petits soins de ma santé un ton de Dame j’ordonne qui est tout à fait plaisant. J’ai vu M. d’E[u], qui m’a apporté avant-hier les feuilles et journaux, en me témoignant tous ses regrets de ne m’avoir pas rencontrée le dimanche et de ne m’avoir pas vue le lundi, à cause de quelqu’un de Paris qui était tombé chez lui comme une bombe ; beaucoup de choses empressées dont on sent le ton, auxquelles j’ai répondu comme il fallait, etc. Le brave Flesselles est venu me voir ; il a fait ma commission près de MM. Lami, et je joins ici une petite lettre à M. Chevandier en conséquence ; sa tante, sa fille et sa cuisinière sont malades des fièvres courantes, mais sans aucun danger. J’ai fait venir et récompensé le garçon du cabriolet.

M. Le Riche ne revient toujours pas, je compte aller voir sa femme un de ces jours ; M. de Mtban[1] est en tournée ; M. d’E[u] le blâme de s’échapper contre M. de Seigne[2], et il est porté à croire que M. le Riche se retirera ; mais on croit volontiers à ce que le cœur souhaite tout bas. La grande société est dans le deuil : Mme d’Hangard est morte le cinquième jour de sa maladie ; Amiens pleure celle de ses habitantes qui recevait le mieux son monde et qui tenait la seule maison ouverte de cette ville. Sa fille est revenue hier de Paris ; tu vois que tout le monde n’y perd pas, car je crois nos amies fort débarrassées du séjour de cette seconde fille chez la vieille tante[3].

Je me suis promenée avec l’amie[4] et ma fille avant-hier, et nous avons été boire du lait au manoir, sur le chemin de Saint-Fuxien[5]. Je désire bien de tes nouvelles ; ménage-toi, mon ami. Je n’attends pas le courrier pour expédier, parce que je prends le moment pour

  1. M. de Montauban, contrôleur et receveur ambulant de Domaines à Amiens (Alm. de Picardie de 1783, p. 67).
  2. Nous ne trouvons pas trace de ce nom. — Peut-être est-ce M. de Senne, subdélégué à Doullens de 1757 à 1785.
  3. Celle des demoiselles de Lamotte, cousines de Mlles Cannet et tantes de Mlle d’Hangard, qui vivait encore. L’autre était morte avant 1780. — Voir Mém., II, 119-120, et Appendice A.
  4. Henriette Cannet.
  5. Saint-Fuscien, village à 6 kilomètres d’Amiens.