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rêter ou de corriger ceux-ci ; tu as senti que c’était impossible à faire avec lui, et toi-même as dit le tout ou rien. Que les choses restent telles qu’elles ont été jusqu’à présent, ton frère continuant de mener les affaires comme il le croit bon, entreprenant ce que tu juges inutile ou onéreux, faisant ce que tu te proposes de détruire et ne tirant point parti de ce qui t’offrirait des ressources ; tu trouves dans cette série de contradictions un sujet de peine, de regrets et d’alarmes, car le principe des jouissances actuelles et futures s’altère ainsi d’autant, et tout s’empire nécessairement. Nous avons cru, et nous l’envisagions avec peine, que ton frère n’était pas d’humeur à se départir jamais du gouvernement ; il arrive tout le contraire, et, à nous qui lui disions l’année passée : « Laissez-nous faire, et nous vous offrirons encore vingt-cinq louis », il dit aujourd’hui : * Prenez tout et suffisez aux frais ». Il faut bien que son argument ait quelque apparence de raison ou que le nôtre en ait une de fanfaronnade.

S’il est vrai que ce bien doive coûter plus qu’il ne peut rendre, nous n’avions donc pas à en désirer la gestion ; s’il est vrai qu’une autre administration le rende plus avantageux, n’est-ce pas à nous d’y travailler lorsqu’on nous l’abandonne ? D’après tout ce que je t’ai entendu dire à toi-même des bonifications à opérer et dont tu t’occuperais si tu étais le maître, n’ai-je pas dû me réjouir de voir que tu le devenais dans l’âge où tu as la faculté d’appliquer tes théories ? Que ferais-tu si ton frère et ta mère n’existaient plus ? Tu me diras qu’il y aurait quelques frais de moins ; j’en conviens, mais ne faut-il pas payer de quelque chose une jouissance anticipée ? D’ailleurs, les mille écus de revenu que garde ton frère serviront bien plus sûrement à éteindre ses dettes, et ainsi le bien se trouvera libéré d’une part, en bon état de l’autre, à l’époque de sa mort, ou autrement tu te trouverais chargé de tous côtés d’une manière qui me semble effrayante à imaginer, si l’on rassemble tout ce que doit produire et sa façon de gérer et celle que tu voudrais y substituer alors, et tout ce qui se serait accumulé jusque-là. Sans doute, les premières années d’administration seront toujours dispendieuses ; le seront-elles moins dans dix ans, Lorsque ton frère ne