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On fête le Carnaval comme il est d’usage, c’est-à-dire qu’on mange à force : digère qui le peut. Chacun se plaint de fatigues des soupers, etc., el tous se gorgent comme des Béotiens. À certain déjeûner-dinant, donné cette semaine pour acquitter un pari sur la couleur des yeux de Mme de By-Chml [Bray-Chamont], le Pourceauguac s’en est donné comme il sait faire quand il prend ; il a été après à la redoute avec la compagnie, et ses propos y ont fait connaître à ceux auxquels il les a tenus qu’il n’était pas à jeun. Dame Gigogne, qui a perdu tête, non d’ivresse, mais par le dépit, faisait de son côté des confessions édifiantes à quiconque voulait les entendre. Nos voisins étaient de la partie ; Mme de B. de Fl. [de Bray de Flesselles] n’en avait pas voulu être, et cela pour n’avoir pas été invitée avant Mme d’E[u], qu’elle boude à cette cause. C’est un tas de bêtises qu’on ne saurait imaginer et qui font soulever le cœur, je devrais dire les épaules. Mais il faut bien que je t’apprenne l’annonce fastueuse faite dans les affiches du zèle de l’Intendant pour la perfection des Arts et Manufactures, en conséquence duquel il vient d’envoyer à la Chambre de commerce plusieurs exemplaires du plan d’un nouveau métier « de l’invention de M. Rivey de Lyon[1] », plan qui simplifie beaucoup la fabrication de toutes les espèces d’étoffes brochées, de même que celles des belles nappes façon de Venise, des galons, rubans, etc. ; il réunit l’avantage essentiel de

  1. Lire Rivey. — Voir Dict. des Manuf., I, 41 : « On doit encore aux Anglais l’invention des tricots à fleurs ou mouches ; et le sieur Rivey fur le premier qui les imita en France, mais par des moyens si compliqués, si dispendieux, qu’il n’y a jamais eu que lui qui s’en soit servi. En 1775 ou 1776, après plusieurs années de travaux infructueux, le sieur Rivey se présenta à l’Administration, à l’Académie des sciences de Paris et à celle de Lyon. Il y eut des commissaires nommés, des rapports faits ; rien ne put prolonger la courte durée de la vogue de cet objet ; il n’en est plus question. » Cf. Tourneux, II, 7623, « Rapport des commissaires nommés par le district de Saint-Joseph pour examiner les nouvelles mécaniques faites au métier d’étoffes de soie par M. Rivey, citoyen du district (15 et 31 mars 1790) » ; et Tuetey, III, 5584 : « Hommage à l’Assemblée nationale, par Claude Rivey, artiste mécanicien, rue Richer, de la gravure d’une nouvelle machine de son invention, propre à frabriquer des étoffes de soie et autres étoffes façonnées, 21 mai 1791 » ; P.V.C., t. XVIII, 4 août 1793 ; « Rivey, section et faubourg Montmartre, rue Richer, n° 894, offre le dessin d’une machine pour la fabri-