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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Lundi, 28 janvier 1782, au soir, — [d’Amiens.]

Ta lettre de jeudi[2], mon bon ami, m’est bien arrivée aujourd’hui, mais à plus d’une heure, apportée par le facteur en titre, qui, pour bonne raison, venait s’informer si tu étais de retour. J’avais le plus grand besoin de tes nouvelles et je suis un peu tranquillisée. J’avoue que je juge de ta disposition autant par le ton de tes lettres que par ce que tu m’en dis ; d’après cela, ta précédente m’avait jetée dans une agitation très pénible que la dernière adoucit un peu. Presque au même instant, M. Flesselles m’a envoyé, pour en prendre lecture, celle que tu lui avais adressée. Pour le coup ! si le projet qui la termine doit me faire juger de ta santé, je n’ai qu’à me réjouir bien sincèrement ; car le mois de mai n’est pas trop loin, et, pour se promettre d’être un vaillant champion dans ce temps-là, il faut déjà se sentir ferme sur ses ergots. Cependant, point d’appétit ni de sommeil ne fait pas un état merveilleux, et je ne suis pas plus contente que de raison. Aie un peu soin de toi. Que prends-tu ? comment te gouvernes-tu ? tu n’en dis rien, et je n’en ai guère bonne opinion.

Sur ce que tu dis de l’affaire en question et des nouvelles tentatives, je présumerais qu’il s’agit de quelque maîtresse du secrétaire d’État de qui les choses dépendent[3] ; car, à la cour et au palais, il me

  1. Ms. 6238, fol. 209-212.
  2. Lettre de Roland du 24 janvier 1782 (ms. 6240, fol. 135).
  3. Roland disait, dans sa lettre du 24 : « J’ai fait une démarche qui te paraîtra étrange ; j’ai rendez-vous en conséquence demain, à 9 heures du matin, puis nous allon, allons… Le tout pour l’affaire en question [probablement les lettres de noblesse], qui pourrait réussir par là si elle y prend bien. Mais je n’y compte point ; ce n’est que pour n’avoir rien à me reprocher. » Ses lettres suivantes n’expliquent pas en quoi consistait la démarche.