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quelques philosophes de faire une association dans le genre de celle des Frères Moraves pour réunir quelques familles qui se connussent et qui fussent s’établir dans quelques-unes de nos provinces… ». Bancal s’éprend de cette idée, et lui, l’ennemi des prêtres, qui demandait un décret pour les exclure des affaires publiques (lettres de Lanthenas des 24 et 28 avril, Ibid.), écrit au bas d’une autre lettre (du 14 mai) ces lignes où se révèle son âme rêveuse, toute imprégnée du naturalisme religieux de Rousseau :

« Je n’ai point vu de situation où il soit plus facile de réunir à l’histoire naturelle les agréments et les avantages des arts utiles. Je ne croirai jamais à la philosophie, à la liberté, si elles ne déterminent l’homme à s’occuper de son bonheur pendant le court trajet de la vie, à préférer à la fumée de la gloire des plaisirs réels et à rechercher ces plaisirs dans la nature.

« Les bons patriotes doivent donner l’exemple et s’opposer à la corruption des villes qui auront longtemps sur les campagnes une influence funeste…

« La Fédération a tenu mon cœur dans l’ivresse pendant plusieurs jours. Je n’ai pu encore vous parler de mon voyage. J’ai vu que les patriotes peuvent faire beaucoup de bien… »[1].

Dans toutes ses lettres de mai 1790, Lanthenas presse son ami d’aller à Lyon, pour y assister à la fédération du 30 mai et y faire la connaissance des Roland. Mais Bancal avait des motifs de ne pas s’éloigner encore de Clermont ; les élections pour les premières administrations départementales étaient proches : le 29 mai, il fut nommé électeur du second degré (Mège, p. 20), mais son succès s’arrêta là ; le 16 juin, on lui préféra le médecin Monestier pour la place de procureur général-syndic. Par compensation, on le désigna pour aller représenter le district de Clermont à la Fédération parisienne du 14 juillet ; on avait l’air de voir toujours en lui l’Électeur du district de Saint-Eustache !

C’est alors que, pour se consoler, et n’ayant plus rien à faire à Clermont, il se décida à aller voir enfin les Roland, en passant par Lyon pour se rendre à Paris.


§ 4. Au Clos.

L’ami de Bosc, de Lanthenas, de Brissot, était impatiemment attendu ; depuis plus d’un mois, les lettres de Lanthenas l’avaient annoncé. On avait à s’entretenir avec lui du grand projet de Société agricole ; on savait qu’il pouvait y apporter une mise de fonds assez considérable. D’autre part, le collaborateur du Patriote français, le membre du Comité permanent de 1789 apparaissait avec un certain prestige. Dès le 22 juin, Madame Roland avait ouvert la correspondance directe par une lettre très étudiée (lettre 352).

Bancal arriva à Lyon dans les premiers jours de juillet, descendit à l’hôtel du Parc et resta plusieurs jours avec les Roland ; puis, le 7 juillet, il les accompagna au Clos, et en repartit le lendemain pour Paris, où il arriva le 13, la veille du grand jour de la Fédération.

  1. Il s’agit ici du voyage du Puy que Bancal avait fait rapidement dans la première quinzaine de mai. Quant à la fête de la Fédération, c’était celle qu’on avait célébrée à Clermont et dont le Patriote du 28 mai donna un compte rendu.