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paraît dater du XVIe siècle. Dans la cour intérieure, à côté d’un puits, est encastrée dans la muraille une pierre où l’on voit sculptée une main tenant un panier de fleurs avec la légende añe cropet, 1594. L’escalier, qui se développe dans la cour, parait être du temps d’Henri IV. Mais d’élégantes ferrures, soit à la rampe de l’escalier, soit aux balcons des fenêtres, et surtout de jolies boiseries dans la salle à manger sont du style Louis XV et attestent que les Roland, après avoir acquis la maison des Bottu de La Barmondière (ms. 9532, fol. 207) en avaient remanié et embelli l’aménagement.

C’était une maison de rapport ; il y avait des locataires, probablement le directeur et le receveur des aides, occupant le rez-de-chaussé. La vieille mère, Thérèse Besaye de Montozan, et le frère aîné, le chanoine Dominique, étaient installés au premier étage. Roland et sa femme s’établirent au second.


§ 3. Le Clos.

Le domaine rural de la famille Roland était à deux lieues de Villefranche, sur la paroisse de Theizé. Quand on se dirige de Villefranche vers le Sud-Est, par la route qui remonte le joli ruisseau du Morgon et s’élève ensuite sur les premiers coteaux du Beaujolais, on arrive à une sorte de plateau mamelonné, couvert de vignes, où sont dispersés des hameaux, des manoirs, etc… C’est là que se trouve le Clos, désigné sur la carte de l’État-Major sous le nom de « Château ». On est à une altitude de 300 mètres environ, tandis que le bourg et l’église de Theizé, qui s’élèvent sur la colline en face, sont à plus de 400 mètres. Le paysage environnant a été décrit avec infiniment de grâce par Lamartine (Les Girondins, livre VIII). Il n’y a qu’un trait inexact, les bouleaux. Dans sa description du rustique manoir, juste en son ensemble, surtout pour le temps où elle a été faite (voilà plus d’un demi-siècle), il y aurait plus à rectifier. Une lettre de Lanthenas à Bosc, du 26 octobre 1784, que nous avons trouvée dans la collection Morrison et qui a été publiée récemment dans une revue départementale[1], complète fort bien, dans sa précision prosaïque, et met au point le tableau où le poète a vu tant de choses[2].

Le manoir du Clos, bien qu’il eût des appartements de maître, où l’on pouvait même recevoir des amis, était avant tout une maison d’exploitation rurale, avec cellier, pressoirs, écuries, hangars, caves, etc. Outre quatre domestiques attachés à la maison, cinq vignerons, Jean Pradel, Jean Brossette-Berthier, Antoine Bardin, Claude Sivelle et Claude Perrusel, cultivaient le domaine à mi-fruit[3]. Au fond du jardin était une petite chapelle pour le chanoine. Pas d’arbres : le chanoine, ne songeant qu’au rapport, les faisait abattre (lettre 248). Vue bornée : ce n’est qu’en sortant du jardin et en s’avançant dans le clos vers l’Orient qu’on aperçoit la vallée de la Saône et le superbe horizon qui l’encadre.

  1. Velay-Revue, 22 décembre 1900, article de L. Vissaguet sur Lanthenas.
  2. Voir, dans les Roland en Beaujolais au XVIIIe siècle, une anecdote sur la façon dont Lamartine interprétait les documents.
  3. Inventaires des 18-20 août et 27-30 septembre 1793, Archives du Rhône, Q, séquestres du district de Villefranche. Un des descendants d’Antoine Bardin était encore régisseur du domaine en 1880.