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LETTRES DE MADAME ROLAND.

Je n’ai pas encore travaillé à quoi que ce soit de notre besogne ; je tracasse, et je veux en finir de ces arrangements avant de commencer rien autre. Il a fait un orage affreux samedi, j’ai calculé que tu étais alors dans la forêt de Compiègne, et, s’il y grêlait comme ici, tu devais être en effet aussi mal à l’aise que je l’étais moi-même par cette crainte. Visite de l’intendance, etc.[1], que je n’ai point reçue, comme tu peux le penser ; nulle nouvelle des grands-parents[2] ni des jeunes mariés[3] ; lettre du curé qui m’annonce les regrets de la bonne fille et son impossibilité de quitter ses parents ; du reste, rien d’important à aucun égard.

Ménage-toi bien, mon cher et bon ami ; sais-tu combien je pense à toi ; comme je te désire ? Va, dans ton absence, solitude et travail sont les seules choses que je puisse goûter. Tous ces visages qui ne disent rien m’impatientent ; et j’aime mieux, comme je l’écrivais tout à l’heure, tuer les chenilles de mon jardin que de dire des riens en société. Adieu, je te presse sur mon cœur.

    « receveur général des Fermes à Amiens pour les gabelles et les traites ». De même que M. d’Eu, il revient souvent dans la Correspondance, et Madame : Roland, en souriant des soins qu’il rendait à Mme d’Eu, l’appelle fréquemment, comme ici, « Il cicisbeo », — « fi cavalière servante..

  1. L’intendant d’Amiens était alors François-Marie Bruno, comte d’Agay (1771-1790). Il avait épousé la fille du marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, massacré le 14 juillet 1789. – Voir, sur ses rapports, assez difficiles, avec Roland, l’Appendice E.
  2. Nous rencontrerons à chaque instant, dans la correspondance de 1781 à 1784, « les grands-parents » ou bien « les bonnes mères ». Ces expressions désignent Mme de Bray, la mère de l’avocat du Roi, née Marie-Antoinette Decourt, et sa sœur, Mlle Madeleine Decourt, toutes deux fort âgées. Il y avait entre elles et Roland un lien de parenté que nous n’avons pu déterminer exactement.
  3. Probablement la fille et le gendre de M. de Bray, l’avocat du Roi. – Voir Inventaire des Archives de la Somme,, B, 165 « 1781. Extrait du contrat de mariage de Jean-Baptiste-Fidèle-Auguste-Marie Durieux, écuyer, et Alexandrine-Louise-Antoinette-Madeleine de Bray de Flesselles. » On les retrouvera dans la suite. "