Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loppait le sentiment qu’il exprimait, je ne puis m’étonner assez de vous en voir chercher si loin la cause. Cette histoire des comptes est ridicule, et je ne songe à rien de semblable. Quant à l’époque de votre association[1] elle fut celle d’une conduite à jamais blâmable en amitié, et, si j’y fus si sensible alors, c’est qu’elle me paraissait vraiment répréhensible et que je n’accordais point ce procédé avec la franchise d’une âme honnête.

Vous l’avez expliqué depuis d’une manière qui, si elle ne compromet pas vos intentions, prouve un caractère très particulier. Mais je ne vous en aurais jamais parlé, si vous ne le rappeliez. Quant à ces derniers temps, je ne vois pas de quelle injustice vous pouvez vous plaindre : je vous prouvais de l’estime, de l’amitié, de la confiance, et certainement, si vous vous êtes retiré parce que j’accordai ces sentiments à qui ne vous plaisait pas, vous avez été le maître, mais vous n’avez pas droit de le trouver mauvais. Lorsque votre aveuglement à cet égard va jusqu’à manifester votre mécontentement à des tiers, vous manquez à la confiance que je vous avais donnée, vous manquez à la délicatesse, à l’honnêteté ; je ne vois plus qu’une âme vulgaire en proie à des sentiments que je ne veux pas qualifier, mais que je méprise. Voilà ce que vous avez vu ce matin, lorsque j’ai été confirmée dans l’opinion de ce que vous aviez dit ; voilà ce que je confesse aussi hautement que tous mes sentiments, car il n’en est pas un que je ne puisse avouer, quoique je n’ignore pas combien les travers et les corruptions du monde peuvent mal les interpréter.

Assurément, je connais trop bien ce monde pour mettre beaucoup de prix

    d’où il tirait la pièce, cette lettre avait figuré sous le n° 991 à la vente Fossé-Darcosse (12 décembre 1861). J. Techener, expert (L. aut. à Lanthenas, 3 pages in-12, cachet aux initiales M.J.P. entrelacées et la devise : Sensible et fidèle, – avec extrait). C’est sans doute l’acquéreur qui la communiqua à M. Faugère en 1864. M. Dauban la publia à son tour en 1867 (II, 590-591), en mentionnant qu’il en devait la communication à M. Bixio, mais en laissant échapper diverses inexactitudes de transcription. — Il y a une copie de cette lettre aux Papiers Roland, ms. 9533, fol. 283. Nous donnons notre texte d’après la copie que M. Villard, gendre de M. Bixio, et possesseur actuel de l’autographe, nous a gracieusement envoyée. D’après sa description, elle n’est ni signée ni datée, mais elle porte pour suscription : « Monsieur Lanthenas ».

  1. Nous ne sommes pas en mesure de dire à quelle association fait allusion ici Madame Roland. On a pu voir, par sa correspondance de 1790 et 1791, qu’il y avait eu beaucoup de projets entre Lanthenas et les Roland pour acheter quelque bien en commun ; mais nous ne savons pas qu’aucun ait abouti. Les lettres 509 et 510 montrent du moins qu’il y avait eu entre eux quelques comptes à liquider.