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sottise et en égoïsme, peut aisément se concentrer et se sublimiser sur de grands objets ; et sans doute, ce ne seront pas des religieuses qui les montreront à de jeunes cœurs. Cela me fait soupirer pour la petite plante éloignée de mes mains !

Sans doute que vous aurez été nommé électeur ; donnez-nous de vos nouvelles, que nous nous réjouissions pour la patrie.

Je crois bon, sous tous les points de vue possibles, de faire des acquisitions, quoique les fonds soient à un prix exorbitant.

Adieu, tous vos amis vous embrassent et sont à jamais unis avec vous dans l’amour de cette patrie qui devient tous les jours plus chère par les soins mêmes qu’elle coûte.


Mardi, 10 heures du matin [21 juin].

Je vous ai écrit hier, après-midi ; je décachette ma lettre pour vous dire, au bruit du canon et dans le moment de la plus grande fermentation, que le Roi et la Reine sont enfuis ; on ferme les boutiques, on s’agite de toutes parts. [Il est presque impossible que Lafayette ne soit pas complice[1].]

Voilà la guerre déclarée.


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À MONSIEUR HENRY BANCAL, À CLERMONT-FERRAND[2].
Mercredi, 22 juin 1791, — de Paris.

Vous êtes trop bon citoyen, mon ami, pour ne pas mériter d’être instruit de tout ce qui se passe ici. Je me flatte pourtant bien moins de vous rendre un compte rendu exact de tous les faits, que de vous exprimer ce que je pense du résultat des événements.

Le Roi et sa famille sont partis ; c’est loin d’être un malheur, si nous avons du bon sens, de l’énergie et de l’union. La masse du peuple de cette capitale le sent ainsi, car la masse est saine et voit juste ; aussi l’indignation contre Louis XVI, la haine des rois et le mot de République s’exhalaient hier de toutes parts. On s’est assemblé dans les sections ; plusieurs d’entre elles ont pris l’arrêté d’être permanentes ; quelques-unes développent le plus grand enthousiasme ; les

  1. Cette ligne a été biffée, probablement par Bancal plus tard, puis rétablie de la main de sa fille Henriette.
  2. Lettres à Bancal, p. 238 ; — ms. fol. 126-128.