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qui devait être dans un mois. Il l’estime 24,000 livres. Il offre, si nous ne venons pas, de la conduire pour nous. Je pense que, dans ce cas, nous ne pourrions rien faire de mieux si cette affaire se conclut.

Vous ne m’avez pas répondu aux premières lettres que je vous ai écrites à Londres. Je pensais que vous m’auriez exprimé vos sentiments sur ce qu’elles renfermaient de relatif à ce dont nous nous étions ici occupés ensemble.

Nous avons vu M. Servan ici. Il ira à Marseille le mois prochain ; il y est placé commandant d’un des forts. Nous avons pensé avec lui qu’il faudrait déterminer l’Assemblée nationale à faire nommer partout de nouveaux électeurs pour le choix des députés à la législature suivante. On assure que l’on ne tardera pas à s’occuper de sa formation, et, si l’on veut obtenir qu’on admette préalablement cette motion que tant de raisons appuient, il font se presser.

Je voudrais encore invoquer ici une adresse à l’Assemblée nationale sur la nécessité de déclarer que les délits de la presse, à moins qu’ils ne soient compliqués d’une intention prouvée de nuire à la chose publique ou à un particulier, ne puissent être punis et réparés que par l’opinion ; qu’en conséquence, des sociétés ou, si l’on veut, des tribunaux seront autorisés pour instruire sur tous les écrits qui donneraient lieu à plainte, et pour déclarer leurs avis, qui feraient regarder tel auteur comme infâme, calomniateur, etc. Parlez à Londres avec les vrais amis de la liberté sur ce sujet et recueillez les avis. Ménagez-vous, écrivez-nous ; je vous embrasse du meilleur cœur.


F. Lanthenas.

Je[1] me charge de fermer la lettre que notre ami vient de vous écrire pour vous mander les nouvelles ; il est cependant difficile que cela vous mette bien au courant de tout ce qui se passe ici ; on menace encore de quelques trames pour le 16 du courant ; les avis en ont été donnés de Chambéry et, par cela même qu’on est prévenu, il ne saurait en rien résulter de fâcheux. La municipalité est sur ses gardes, bien résolue d’arrêter les courriers et de faire ouvrir les lettres s’il y avait quelque apparence de nouvelle crise. Vous nous avez bien peu écrit, tout en vous inquiétant de nos délais. Je croyais que la solitude était la mesure la plus longue du temps et que, de toutes les énigmes, le silence n’était pas toujours la plus difficile à deviner, surtout au moment des révolutions. Quoiqu’on désire l’achèvement de la Constitution, cependant les rapports de M. Crillon[2] sur les travaux qui restent à faire supposent encore l’emploi de plus d’une année pour cette législature qui va toujours en se corrompant davantage. Est-ce donc une loi générale pour les corps et les individus de s’altérer dans leur essence pour leur propre durée ? Ah ! sans doute, il est des âmes, il

  1. Ici Madame Roland prend la plume.
  2. Voir lettre du 5 mai 1791.