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que dureront ses combats, il ne priera. Il n’a d’autres raisons de rebuter Olivier que celles-là même qu’il vient de dire, et, s’il n’en a pas d’autres, n’apparaît-il pas qu’il va sacrifier ses vingt mille compagnons à un point d’honneur de pure magnificence, et qu’il sera vingt mille fois leur assassin ? C’est qu’il est « preux », dit le poète. Qu’est-ce donc que prouesse ? et ne serait-ce qu’orgueil ? que folie ?

Pourtant, et par contre, on sent bien qu’Olivier « le sage », puisqu’il est homme de cœur, doit convenir avec Roland d’un principe au moins : en tout temps, en tout pays, une troupe se déshonore si elle appelle du renfort sans nécessité. Tout bien pesé, le différend du preux et du sage se réduit donc à répondre l’un oui, l’autre non, à cette question : « Pouvons-nous remplir, à nous seuls, notre mission ? Pouvons-nous, sans crier à l’aide, remporter la victoire ? »

Or, vous l’avez entendu : c’est la victoire que par trois fois Roland a prédite et promise. Qu’il commence donc la bataille : c’est son devoir certain. Mais, à tout instant, il peut se dédire : et, s’il n’est pas un aliéné, l’instant viendra, que nous guettons, où il se dédira ... ou bien, c’est qu’il sera vainqueur.

Le poète divise la journée de Roncevaux en trois batailles, très diversement belles.

La première est tout ardeur et toute joie. L’archevêque Turpin promet aux vingt mille la gloire céleste, s’ils meurent, mais Roland leur promet autre chose, le triomphe terrestre ; il repousse comme une pensée de couard l’idée qu’il pourrait être défait :

1107Mal seit del coer ki el piz se cuardet !
Nus remeindrum en estal en la place :
Par nos i ert e li colps e li caples !