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Moi je les aime aussi ces belles étrangères
Qui babillent avec des gestes séduisants,
Les plus jeunes surtout, rieuses et légères,
Qui sortent du couvent dans l’éclat des seize ans.

Et puisque toutes ont des grâces sans pareilles,
Un corps digne du marbre, un teint digne des fleurs,
Je voudrais en passant suspendre à leurs oreilles
Comme des pendants d’or, des mots ensorceleurs !

Je voudrais que mon cœur vibrant de poésie
Fût grand comme un sérail pour toutes les aimer,
Et qu’il pût à son gré comme un prince d’Asie
Dans un harem d’amour toutes les enfermer ;

Car alors chaque soir, quand se lève la lune,
À leurs pieds parfumés j’irais me laisser choir,
Puis ayant fait mon choix, je jetterais à l’une
Avant que de partir, mon cœur et mon mouchoir !…