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mons sont construits avec une science d’architecte quî a rassemblé des matériaux de choix et les ordonne selon un plan qui met tout en valeur et en hiérarchie. C’est un grand plaisir cérébral que d’apercevoir un discours s’élever ainsi avec des proportions calculées et une logique qui permet de le songer jusqu’au bout de lui-même avant même son achèvement. Il faut pour cela que l’orateur ait une dialectique infaillible. Alors l’éloquence qui est musique, est aussi mathématique, puisqu’elle est philosophie. Or c’est le moment suprême du génie musical — Beethoven y atteint souvent — celui où la symphonie n’est plus qu’une algèbre qui chante, comme les constellations dans le ciel.

L’éloquence aussi donne parfois cette sensation. Et le P. Monsabré y fait songer avec sa manière tour à tour didactique et lyrique ; ici une page de théologie, de métaphysique, voire de physiologie ; puis un envolement, un chant sacré qui a les ailes de l’ode. Et une voix souple qui est un merveilleux truchement ; une voix que le temps n’a pas affaiblie, mais qui en a pris, au contraire, une sonorité stridente, une sorte de fureur démonstrative qu’appuie un geste court, saccadé, ayant l’air d’enfoncer l’argument comme un clou. Ces sermons, solides et fleuris, qui apparaîtront dans l’avenir comme nous apparaissent ceux de Bourdaloue, ne sont