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seulement, ou ce dont elle ne se croyait tenue à aucune confidence publique. À cette réserve près, dont on doit la louer (et qui est telle au surplus qu’on doit l’attendre d’une femme), elle n’a point menti à l’épigraphe de l’Histoire de ma vie : « Charité envers les autres ; dignité envers soi-même ; sincérité devant Dieu ».

On peut reconnaître à ce signe ce qui sépare l’Histoire de ma vie de livres comme les Mémoires en général ou encore les Confessions de J.-J. Rousseau. Un auteur de Mémoires transmet à la postérité comme l’envers de l’histoire officielle ; il raconte ses contemporains tels qu’il les a surpris dans l’intimité, parfois en déshabillé ; sa curiosité nous instruit, et parfois même son commérage. On lui sait gré de l’indiscrétion : il s’en rend compte, et souvent il en abuse. Un Jean-Jacques à son tour poursuit l’entreprise plus indiscrète encore et surtout plus immorale de se disculper de certaines imputations en chargeant son prochain, et d’étaler la confession des autres pour faire passer la sienne. Mais il a du génie ; ses malheurs sont de ceux qui intéressent l’humanité, et le prestige de son éloquence rendra ce funeste exemple enviable à ses successeurs. À talent égal, combien ne préfère-t-on pas G. Sand entreprenant ce livre sur elle-même pour substituer la vérité à la légende, pour couper court aux sottises du journalisme contemporain ; se racontant d’ailleurs sans accuser, sans médire, sans disputer ; si peu désireuse d’attirer l’attention sur sa personne, qu’à peine sur quatre volumes, tout compte fait, deux environ lui sont consacrés ! En revanche, quelle captivante lecture, accidentée comme celle d’un roman, variée et instructive comme l’histoire même ! Car George Sand s’est modestement abritée sous tout ce qu’elle espérait pouvoir la cacher : parents et grands-parents, amis d’enfance, contemporains illustres. Quoi qu’elle fasse, son image rayonne dans ces divers milieux, et c’est elle que nous nous sommes attaché à dégager de ce nombreux entourage pour la montrer seule et sans cortège, et d’autant