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On a parlé de la réceptivité de George Sand, et avec raison. La faculté de s’assimiler et de transformer, tenait chez elle du prodige. Recevoir vite et rendre dix pour un était pour elle comme une fonction naturelle. Mais on n’a pas assez pris garde qu’elle savait repousser aussi fortement qu’elle savait attirer. Son cerveau, comme un vigoureux organisme, élimine dès l’abord tout ce qu’il ne peut convertir en nourriture. Au premier essai, elle abandonne son premier collaborateur, Sandeau, trop faible pour son tempérament ; Delatouche l’attriste par sa critique tatillonne, elle s’échappe ; elle s’essaie au journalisme, se juge trop lente et trop « bête » pour y réussir, et renonce sans s’obstiner ; Musset lui communique une fièvre violente, qui irrite et fait vibrer jusqu’à leur maximum d’intensité toutes les fibres de son esprit : elle s’en secoue, se calme par degrés, et y profite. Après Musset, il sera encore possible de l’agiter, mais on ne la jettera jamais hors de sa nature. Cette nature est calme et puissante ; parfois fougueuse et souvent passionnée d’apparence, mais au fond d’une insondable sérénité, d’une tranquillité magnifique dans la tendresse. Jamais rien n’est tombé jusqu’à ce fond-là pour le troubler. Aussi voyez : elle vit côte à côte avec les natures les plus différentes de la sienne et les plus trempées sans s’altérer au contact ; au contraire, elle n’en est que plus elle-même. Ni les souples comme Sainte-Beuve ne s’insinuent en elle, ni les robustes comme Balzac ne la domptent, ni les olympiens comme Victor Hugo ne la fascinent. Elle les aime, elle les admire, elle les croit naïvement