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nance si diverse. Mais qui dira que dans tous ces tableaux ne se reconnaît pas la même main, que tous ces personnages n’ont pas été créés par le même cerveau, nourris du même sang, façonnés par la même faculté d’invention ? C’est un don de vie que George Sand porte partout avec elle-même. Loin de vivre de rapts, elle n’a jamais emprunté que pour rendre au centuple. Quand elle s’approche d’un penseur de son temps, ce n’est point pour s’enrichir de sa dépouille, c’est pour l’accroître de sa richesse. Elle lui prend une idée nue, et la lui rend vêtue ; elle la lui prend indigente et la lui rend opulente ; elle la lui prend abstraite, et la lui rend incarnée. Sans doute elle a besoin, pour son humanité idéale, comme Balzac pour sa Comédie humaine, d’idées sans cesse renouvelées, de types et de caractères se diversifiant à l’infini, sans quoi le roman tomberait aux conventions fixes de la comédie italienne : et sans doute encore la meilleure source de renouvellement, outre la nature réelle, est cette autre nature reflétée qu’on trouve dans les livres du moraliste ou du philosophe. Elle a donc puisé là, et elle ne pouvait n’y pas puiser ; car tout romancier, si vigoureux soit-il, ou plutôt en raison même de sa vigueur, ne saurait se dispenser de recourir à ce sûr moyen d’élever son esprit en même temps que de rajeunir son œuvre. Mais qu’est-ce à dire ? Les prétendues idées-mères qu’elle aurait dérobées ailleurs n’ont enfanté que chez elle. Faut-il lui refuser, à défaut de l’originalité dont elle ne s’est jamais prévalue (peut-être trop modeste en cela), du moins le mérite de la fécondité ? Singulière impuissance que celle