Le tocsin sonna toute la nuit. Cette vive émotion, cette impression de trouble et d’effroi que le comité d’organisation voulait faire goûter à la population, Hélène la ressentit tout à fait. Il lui fallut une grande force de caractère pour se décider à se lever et à endosser son uniforme de volontaire marseillaise.
Enfin, elle parvint à s’habiller et à boucler un ceinturon chargé d’un sabre, d’un poignard et de deux revolvers ; elle prit son carnet et se rendit à la salle à manger, où toute la famille Ponto déjeunait à la hâte. Philippe parut surpris à la vue de sa cousine en uniforme.
« Comment, Hélène, dit-il, je vous croyais dépourvue de ces goûts masculins si fort à la mode… vous êtes volontaire ?
— Non, dit Hélène, j’accompagne les volontaires marseillaises, mais comme journaliste seulement.
— Avant de partir, dit M. Ponto, vous allez endosser ce gilet paraballes… vous savez, il y a toujours des écervelés qui laissent des balles dans les cartouches… il est bon de se prémunir contre ces distractions… »
Hélène n’avait pas besoin de cet avertissement pour trouver son métier de journaliste à la suite des volontaires marseillaises dépourvu de tout attrait. Même la satisfaction de porter un coquet uniforme ne pouvait balancer l’ennui d’avoir à circuler au milieu des pavés soulevés, au son d’une fusillade vive et entraînante, agrémentée de quelques sifflements de balles oubliées dans les cartouches.
« Et maintenant, dit M. Ponto en lui serrant la main, allez, recueillez le plus possible de notes intéressantes… Nous vous verrons à deux heures sur le boulevard, aux charges de cavalerie. »