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Le Vingtième Siècle

La statistique nous apprend que, l’an dernier, en 1954, en France, 22 1/2 pour 100 seulement des Voyages de fiançailles aboutirent au résultat négatif, 77 1/2 ont fini par le mariage définitif. La morale a gagné à ce changement de coutumes ; grâce aux Voyages de fiançailles, le chiffre des divorces a baissé considérablement.

« Soit, dit enfin Philox Lorris, fatigué de lutter et pris d’ailleurs par les soucis d’une importante invention nouvelle ; soit, faites toujours votre Voyage de fiançailles, puisque tu le veux, mais rappelle-toi que ça n’engage à rien… nous verrons après. »

Georges Lorris ne se fit pas répéter deux fois la permission ; il courut à Lauterbrunnen-Station et, les démarches nécessaires faites, les arrangements pris, il fixa lui-même le jour du départ.

« Nous verrons après, » a murmuré Philox Lorris en donnant son consentement, et un sourire sardonique a passé sur sa figure. Ce savant pessimiste est persuadé — hélas ! son expérience personnelle le lui a donné à croire — qu’il n’y a pas d’affection qui résiste aux mille ennuis du voyage en tête à tête, pour ces deux jeunes gens presque inconnus encore l’un à l’autre. Il se rappelle son voyage de noces à lui, car, en ce temps-là, l’usage n’était pas encore adopté de faire voyager les fiancés. Il est revenu brouillé avec Mme Philox Lorris, après quinze jours d’excursion seulement, mais trop tard pour s’en aller sans cérémonie chacun de son côté, M. le maire et M. le curé y ayant passé. En débarquant du tube, M. et Mme Philox Lorris mirent les avoués en campagne pour obtenir le divorce par consentement mutuel. Mais cela nécessitait une foule de pas et de démarches, de dérangements, de rendez-vous chez les hommes de loi, de séances dans les greffes et chez les juges, et le volcanique Philox, pressé par ses inventions et découvertes, n’avait pas de temps à gâcher aussi absurdement.

Ayant terminé ses travaux de perfectionnement des appareils aviateurs, il fondait d’immenses ateliers de construction d’aéronefs et d’aéropaquebots en celluloïd rendu incombustible, avec membrure d’aluminium, et jetait dans la circulation, avec un succès prodigieux, l’Aérofléchette, qu’il avait inventée, ou plutôt dont il avait trouvé le principe, étant encore sur les bancs des écoles, en se livrant, les jours de congé, sur son aéroflèche de collégien, à de vertigineuses courses de fond. Ce véhicule, d’une si parfaite sécurité et d’une si facile manœuvre qu’on peut sans danger le mettre entre les mains des enfants pour leur faire donner leurs premiers coups