Page:Robida - Le Vingtième siècle - la vie électrique, 1893.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
Le Vingtième Siècle

La jeune fille revint, au bout de deux minutes, chaussée de ses pantoufles protectrices par-dessus ses petits souliers. Son premier regard, en rentrant dans sa chambre, fut pour la plaque du Télé ; elle parut surprise d’y revoir encore Georges Lorris.

« Mademoiselle, dit celui-ci, qui comprit son étonnement, je dois vous prévenir que la tournade a quelque peu embrouillé les Télés ; au poste central, pendant que l’on recherche les fuites, qu’on rétablit les fils perdus, on a donné à tous les appareils, pendant les travaux, une communication quelconque ; ce ne sera pas bien long, tranquillisez-vous… Permettez-moi de me présenter : Georges Lorris, de Paris…, ingénieur comme tout le monde…

— Estelle Lacombe, de Lauterbrunnen-Station (Suisse), ingénieure aussi, ou du moins presque, car mon père, inspecteur des Phares alpins, me destine à entrer dans son administration…

— Je suis heureux, mademoiselle, de cette communication de hasard qui m’a permis au moins de vous rassurer un peu, car vous avez eu grand-peur, n’est-ce pas ?

— Oh oui ! Je suis seule à la maison, avec Grettly, notre bonne, encore plus peureuse que moi… Elle est depuis deux heures dans un coin de la cuisine, la tête sous un châle, et ne veut pas bouger… Mon père est en tournée d’inspection et ma mère est partie par le tube de midi quinze pour quelques achats à Paris… Pourvu, mon Dieu, qu’il ne leur soit pas arrivé d’accident ! Ma mère devait rentrer à cinq heures dix-sept, et il est déjà sept heures trente-cinq…

— Mademoiselle, les tubes ont supprimé tout départ pendant l’ouragan électrique ; mais les trains en retard vont partir, et madame votre mère ne sera certainement pas bien longtemps à rentrer… »

Mlle Estelle Lacombe semblait encore à peine rassurée, le moindre bruit la faisait tressaillir, et de temps en temps elle allait regarder le ciel avec inquiétude à une fenêtre qui semblait donner sur une profonde vallée alpestre. Georges Lorris, pour la tranquilliser, entra dans de grandes explications sur les tournades, sur leurs causes, sur les accidents qu’elles produisent, analogues parfois à ceux des tremblements de terre naturels. Comme elle ne répondait rien et restait toujours pâle et agitée, il parla longtemps et lui fit une véritable conférence, lui démontrant que ces tournades devenaient de moins en moins fréquentes, en raison des précautions minutieuses prises par le personnel électricien, et de moins en