Page:Robida - Le Vingtième siècle - la vie électrique, 1893.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
Le Vingtième Siècle

le fait porter ici dans cette pièce ainsi consacrée aux scènes de ménage, et il se remet, l’esprit rasséréné, à ses travaux. De son côté, ma mère, lorsqu’elle se croit quelque grief contre son mari, lorsqu’elle a quelque observation à lui faire, emploie le même procédé et, tout à son aise, confie aussi le sermon à son phonographe… Elle est tranquille après, le nuage est passé, le ciel se découvre ; quand on se retrouve à table aux repas, il n’est question de rien, on ne se douterait aucunement que M. et Mme Philox Lorris viennent de se chamailler… Et je soupçonne que, depuis longtemps, chacun d’eux a cessé d’écouter ce que le phonographe de l’autre a été chargé de lui faire savoir ! Les phonographes prêchent dans le désert… Mon père envoie son phono, ma mère arrive avec le sien, fait marcher les appareils et s’en va… Personne n’écoute le duo ! Mon père, pour éviter des pertes de temps, a fait adapter à ces appareils des récepteurs qui enregistrent les réponses aux messages, mais il se garde bien d’entendre ces messages ; il a ainsi les clichés de tous les sermons conjugaux depuis plus de vingt ans, une belle collection, je vous assure, classée dans un cartonnier !… »


m. philox lorris charge son phonographe de transmettre reproches, admonestations et récriminations.

Les phonographes, pendant ces explications, s’étaient tus ; la querelle avait pris fin…

« Je vous soupçonne, ma chère Estelle, fit Georges, de garder encore contre la science les mêmes préventions que ma mère. Vous voyez pourtant qu’elle a du bon !… Grâce à elle, on peut vivre en parfaite mauvaise intelligence sans s’arracher quotidiennement les yeux !… Si vous voulez, quand