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Le Vingtième Siècle

nie encore le progrès ! J’ose prétendre que, plus tard, les historiens qui regarderont à l’origine de la noble famille fondée par moi en mon duché sur la Dordogne, où j’aurai, j’espère, le plaisir de vous avoir à mes grandes chasses, distingueront autre chose ! Pas de violences, pas de soudards brutaux ! Ils pourront dire : L’ancêtre Pigott, le fondateur, fut tout autre chose qu’un vulgaire Montmorency ; ce fut un doux malin, un combattant de l’intelligence qui sut prélever sur des créatures inférieures la dune de l’intelligence…..

— Deux ou trois cent mille actions de 5,000 francs, n’est-ce pas, dans vos dernières affaires ?

— Plus quelques petites choses, pour compenser les frais très sérieux… Je reprends ! Voici ce qu’ils diront, les historiens : Il sut prélever la dîme de l’intelligence et vint, apportant la richesse en notre belle province, fonder une illustre maison, planter l’arbre seigneurial dont les rameaux s’étendent aujourd’hui si largement, abritant nos têtes sous leur ombre, et contribuer puissamment au relèvement des principes d’autorité et des saines idées de hiérarchie sociale trop longtemps ébranlées par nos révolutions….. Voilà ! ainsi se fonde la nouvelle aristocratie ! »

Et M. Pigott avait raison.

Sur les ruines bientôt déblayées de l’ancien monde, une aristocratie nouvelle se fonde. Que devient l’ancienne ? Les vieilles races en décadence semblent fondre et disparaître de jour en jour avec plus de rapidité. Nous voyons leurs descendants appauvris, éloignés par la défiance des masses des affaires publiques, peu aptes à la pratique des sciences, impropres aux grandes affaires industrielles et commerciales, tirer la langue dans leurs châteaux délabrés, qu’ils ne peuvent entretenir et réparer, ou végéter dans de misérables petites places sans ouvertures d’avenir.

Leurs terres, leurs châteaux, et leurs noms mêmes avec, s’en vont à la nouvelle aristocratie, aux seigneurs des nouvelles couches, aux Crésus de la Bourse, enrichis par l’épargne des autres, aux notabilités de la grande industrie ou de la productive politique, et, à côté de ces illustres débris heureux d’obtenir de maigres emplois en des bureaux de ministère ou d’usine, où le sang actif des anciens chevaucheurs croupit dans une stagnation lamentable, nous voyons tels grands industriels, gigantesques coffres-forts, planter le drapeau de Plutus sur les anciens domaines de l’ex-noblesse, reconstituer peu à peu les vastes fiefs d’autrefois sur des bases plus solides.