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Le Vingtième Siècle

« Est-ce que tu me peindrais l’éminente doctoresse Bardoz et la sénatrice Coupard, de la Sarthe, avec les mêmes couleurs ? demanda-t-il à son père.

— Pas tout à fait ! Si je les ai distinguées, c’est qu’elles sont de vraies exceptions… Et puis elles seraient si occupées elles-mêmes ! Enfin ! concluons ! Tu persistes vraiment ?

— Je persiste à voir le bonheur de ma vie dans l’union avec…

— Bon ! bon ! pas de phrases ! C’est ton ancêtre l’artiste, le poète qui te travaille… Laisse-le dormir ! Nous verrons ; mais avant de donner mon consentement définitif, je veux étudier ta fiancée… Tu connais mes principes : pas de femme inoccupée. Je propose à Mlle Lacombe d’entrer à mon grand laboratoire, section des recherches ; elle travaillera sous mes yeux, à côté de toi… Ne crains rien, pas de surmenage, un petit travail doux ! Et, entre temps, vous monterez votre maison et nous causerons ménage quand le nid sera achevé. »

Georges, comptant bien abréger le plus vite possible cette dernière période d’épreuves, se déclara satisfait de l’arrangement et porta la proposition de son père à Estelle. Tout fut vite entendu. D’ailleurs, Philox Lorris n’eut qu’un mot à dire aux Phares alpins pour faire passer M. Lacombe aux bureaux de Paris de cette administration : les parents d’Estelle purent venir habiter Paris, au grand plaisir de Mme Lacombe, qui voyait ainsi se réaliser un de ses rêves.

Georges Lorris et Estelle s’occupaient de leur installation future avec Mme Lacombe, mais sur les idées de Philox Lorris. Celui-ci négocia en quelques jours l’achat pour son fils, au centre de l’ancien Paris, sur les hauteurs de Passy, d’un petit hôtel que désirait céder, pour s’installer dans un vaste domaine dans le Midi, un banquier milliardaire d’Australie qui venait de réaliser dans les bourses du Nouveau Monde un krach fabuleusement fructueux et qui voulait, avec l’immense fortune récoltée dans sa magnifique opération, fonder, assez loin des désagréables criailleries des anciens actionnaires et dans un pays plus aristocratique que la terre australienne, une puissante famille seigneuriale.

Ce richissime ex-banquier, Arthur Pigott, traitant M. Philox Lorris en homme digne de le comprendre, exposa ses plans avec tranquillité quand il fit visiter son petit hôtel à son acheteur.

« Votre vieille aristocratie territoriale est morte d’inanition, illustre monsieur, ou elle achève de s’éteindre, dit-il ; soufflons donc dessus et