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On croyait bien loin ces bandes espagnoles, arrêtées sur la côte à l’attaque ou à l’occupation de quelques petits ports, tandis qu’elles poussaient subitement leur pointe dans le pays. Que faire ? Combien les assaillants étaient-ils ? La peur grossissait leur nombre. Ils mettaient le bourg au pillage et enlevaient tous les bestiaux. Les clameurs redoublaient là-haut et les flammes des incendies montaient dans le ciel.

— Vite à Carcassonne ! Les provisions, ne laissez pas les provisions, il faut tout emporter ! s’écria Cassagnol, en vidant soigneusement un broc pour se donner des jambes.

Quelques garçons précautionneux s’étaient déjà jetés sur les victuailles préparées pour le repas après les danses. Tout fut bientôt enlevé, chacun prit sa part et l’on n’oublia pas les canards et les poulets à demi-cuits, ni ceux que l’on se préparait à faire rôtir.

— À Carcassonne ! à Carcassonne ! répéta Cassagnol. Et toute la noce éperdue lui emboîta le pas, suivie par bon nombre de malheureux fuyant le village incendié. Lugubre fin d’une journée si joyeusement commencée. Et les bonnes gens qui avaient une après-midi de danse dans les jambes, les jeunes filles et les matrones qui sautaient si gaillardement tout à l’heure, considéraient avec effroi la longue route à faire. Heureusement, on recueillit à travers champs plusieurs chevaux, des ânes et même une génisse effarés par le tumulte ; les plus fatigués se juchèrent dessus et l’on se hâta vers Carcassonne.

Cassagnol, après avoir d’abord entraîné un peu rapidement les fuyards, modéra le mouvement quand on eut abattu une ou deux lieues. Ce n’était plus la peine de marcher si vite puisqu’on avait mis une assez bonne distance entre le danger et soi ; d’ailleurs, inutile d’arriver à Carcassonne au milieu