Page:Robida - Le Tresor de Carcassonne, 1934.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chansons à boire, chansons à se battre, complaintes, poèmes des cours d’amour d’autrefois… Il se faisait ainsi la gorge aussi sèche que les croupes de la montagne, mais n’allait-il pas trouver de quoi la remettre en état dès l’arrivée ? Il fallait bien apporter la soif à la noce, pour ne pas faire injure au vigneron.

La première journée tout alla convenablement. Pour commencer Cassagnol conduisit les mariés à l’église en solennité, puis il ramena la compagnie à la maison, à une demi-lieue du bourg, et les réjouissances commencèrent, festins par belles tablées sous l’ormeau, rondes et danses par un beau soleil qui faisait apprécier l’ombre fraîche et les vins du pays.

Mais subitement vers le soir toute cette joie fut changée en épouvante. La mariée et le marié qui tenaient la tête d’une folle sarabande faillirent tomber sur leurs talons, tandis que la flûte de Cassagnol s’arrêtait sur une horrible fausse note. Le tocsin sonnait à l’église du bourg.

Les couples de danseurs demeuraient sur place pétrifiés par un coup d’émotion, puis s’agitaient éperdus. Que se passait-il ? Quelle catastrophe fondait sur le pays ? La réponse ne se fît pas attendre. Des clameurs retentirent au loin, et l’on vit des gens dégringoler la côte en criant, tandis que des lueurs d’incendie paraissaient sur divers points.

— Les Espagnols ! les Espagnols !

Le tocsin ne sonnait plus. Par les premiers fuyards on fut renseigné bien vite.

C’était la fin d’une belle journée, on rentrait tranquillement des champs ou des vignes, on ramenait les bestiaux, lorsque tout à coup une troupe de cavaliers sortant des bois s’était ruée sur les premières maisons et commençait à piller.