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tement du bec et n’avait plus guère de semelle. Près de lui il s’en trouvait une quinzaine d’autres en aussi piteux état, qui attendaient leur tour.

Dans le jardin, garçons et filles se roulaient sur l’herbe ou couraient pieds nus, ce qui ne paraissait pas nuire à leurs ébats, à en juger par les cris de joie mélangés de disputes et de pleurs auxquels de temps en temps répondait la voix musicale de Belleàvoir.

— Tu vois, dit mélancoliquement Antoine, j’ai du travail de savetier, et le trésor m’attend pendant ce temps-là… Ce que ça use, ces diables rouges d’enfants ! J’y suis toujours, après leurs souliers… Et il y a les miens qui commencent à me laisser sentir les cailloux du chemin…

— Et les miens ! dit Colombe, j’ai failli perdre une semelle hier, je l’ai rattachée, mais ce n’est guère solide…

— Et le trésor qui me réclame et que je délaisse pendant ce temps-là… Je me ronge d’impatience… Écoute, Colombe, je travaille aux souliers jusqu’à midi, et ensuite je descends au travail sérieux, plus sérieux aujourd’hui que tu ne crois ! Je ne voulais pas te le dire avant la réussite complète, mais aujourd’hui peut-être, aujourd’hui même, je l’espère et je le crois, il y aura du nouveau, nous le tiendrons, ce trésor !… Descends avec moi, je t’expliquerai sur place…

— Non, non, fit Colombe, j’aime mieux attendre…

— Tu n’as pas confiance, ça me peine !

— Si, si, j’ai confiance, mais….

— Je sais, tu crains toujours quelque chose, quelque mauvaise aventure comme avec les scélérats de rats !… Mais depuis les rats j’ai beaucoup travaillé, j’ai compris mon erreur de direction et j’ai obliqué de l’autre côté… Ça marche très bien depuis ce temps, pas d’accrocs, pas d’ébou-