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gère, qui se donne beaucoup de peine avec ses huit enfants, remarquez-vous son air préoccupé ?… Elle ne doit pas être heureuse, la pauvre, ça se devine !

— Cet Antoine doit la battre, il est bien changé !

Ce sont des commères qui devisent devant leurs seaux et leurs brocs, près du Grand-Puits, et qui se disent tout bas ces choses en regardant passer Cassagnol, rentrant chez lui derrière Belleàvoir avec laquelle il a été porter un chargement de choux et de salades à une revendeuse de la ville basse.

En effet Cassagnol ne semble pas très guilleret, il enfonce la tête dans ses épaules comme pour cacher un visage tout écorché d’un côté jusqu’au bout du nez. Il a aussi des écorchures sur les mains et ses chausses montrent aux genoux des raccommodages de raccommodages.

Sans un regard vers les voisines il a ouvert sa porte et poussé Belleàvoir dans le jardin en refermant tout de suite.

Blaise et Fleurette se jettent sur leur père, Cathounette, Luc et Hilarion s’accrochent à l’âne et l’escaladent pour gagner les paniers. Les trois autres sont occupés avec les canards, le plus petit, à plat ventre au milieu d’une couvée de canetons, a l’air de vouloir leur disputer leur pâtée. Cassagnol se réveille et rit un peu ; avant de conduire Belleàvoir à son appentis il lui fait faire quelques tours de jardin avec cinq ou six enfants sur le dos.

C’est jour de lessive pour Colombe, aussi est-elle très affairée. Cassagnol avant de se remettre au travail donne une leçon de flûte aux aînés.

— C’est un talent dont ils n’auront pas besoin pour vivre, dit-il à sa femme, puisque nous serons riches, mais çà ne fait rien, ils seront bien aises plus tard de pouvoir se donner la réjouissance d’une honnête musique…