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de nourrice. Le cabaretier de la Tête-Noire, sur la place même, était de ceux-là, et il avait eu l’audace de venir tirer une demi-douzaine de seaux d’eau en ricanant et en interpellant les esprits du fond.

Ceux-ci n’ayant pas daigné répondre, le cabaretier s’en était allé très fier, avec des airs vainqueurs. Mais sur le tard dans l’après-midi, comme des curieux venus des autres quartiers ou montés de la ville basse, après avoir stationné devant le puits, s’en venaient, pris de soif, s’attabler devant les brocs de la Tête-Noire, sous l’enseigne où se voyait une horrifique tête de sarrasin barbu, crépu, roulant des yeux féroces, le cabaretier changea d’attitude. Il cessa de nier, retourna au Puits et revint servir des flacons à ses clients en hochant la tête d’un air de mystère.

— On ne sait pas, déclara-t-il avec une affectation de dis crétion, il y a bien du louche là-dessous, il faudra voir… attendons et surveillons !

À demi-mot, avec des réticences feintes, il en vint à laisser entendre que c’était la fameuse dame Carcas, la vieille sarrasine, qui revenait dans le puits hanté, et qui menait tout ce vacarme, après s’être tenue tranquille pendant des centaines d’années. La raison de ce réveil de la terrible dame, cela, on ne le pouvait dire, mais on finirait bien par savoir…

En attendant les curieux affluaient à la Tête-Noire et s’efforçaient de tirer des éclaircissements du tavernier, lequel finissait par se laisser arracher des détails de plus en plus circonstanciés sur les apparitions entrevues, sur le tapage infernal entendu par tous les voisins, sur toutes les choses extraordinaires qui semblaient se passer au fond du Grand-Puits…