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Saboulin, d’autres encore avaient entendu vers deux heures, juste comme venait de sonner une messe d’enterrement aux Pénitents-Gris, des cris épouvantables suivis d’un vacarme terrible tout au fond, dans le noir du Grand-Puits.

Ils en avaient tous reculé d’effroi ; le père Escoulou, qui justement tirait de l’eau, sentit très bien que le seau dansait au bout de la corde et que l’on tentait de le lui arracher. Comme c’est un gaillard courageux, il n’avait pas lâché la corde, mais c’est à grand’peine qu’il put remonter le seau vide.

Quand ils avaient osé revenir au puits et regarder par dessus la margelle, c’était un peu calmé, mais on entendait encore des rumeurs confuses, toutes sortes de bruits étranges, des clameurs et comme des voix furieuses qui se disputaient. Et pourtant le père Escoulou était, comme chacun sait, un peu dur d’oreille.

C’était donc vrai tout ce que l’on racontait du Grand-Puits hanté par les fées, les Wisigoths ou les Sarrasins. Il n’y avait plus à le mettre en doute et l’on pouvait bien s’inquiéter de ces choses singulières, qui présageaient peut-être des calamités pour la ville.

Tout le jour il y eut un défilé de gens sur la place, les uns regardant de loin un peu craintivement, d’autres, plus hardis, écoutant près du puits, se risquant même à regarder par dessus la margelle.

On n’entendait plus ni cris ni disputes. Fées ou Wisigoths, les esprits du fond restaient calmes ; cependant, parfois, des coups sourds retentissaient que des échos prolongeaient doucement dans les entrailles du sol.

Parmi les curieux il se trouvait aussi des incrédules, des gens qui pour faire les esprits forts haussaient les épaules et traitaient la légende des fées du Grand-Puits en simple conte