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Elle tapota la figure de Belleàvoir, l’embrassa presque et se laissa tomber sur une grosse pierre devant le logis de l’ânesse.

Cassagnol se tenait devant elle, intrigué.

— Eh bé ? Eh bé ? se contentait-il de dire, qu’est-ce donc que te voilà toute drôle ?

— Tu ne sais pas, dit enfin Colombe, on nous l’emmenait, on nous la volait notre pauvre Belleàvoir, et devine qui ? devine ?

— Comment, on nous la volait ? Qui ? Je ne peux pas savoir…

— Dame Carcas, je te dis ! Je l’ai bien reconnue, c’était elle ! Une vieille, tout à fait la figure qui est sculptée en pierre à la Porte Narbonnaise !

— Tu es folle !

— Dame Carcas, je te dis ! J’ai regardé en passant à la porte si la figure de pierre y était encore, elle y est toujours, mais ce n’est que le portrait… C’est l’autre, la vraie, qui a aussi quelque chose sans doute dans le Grand-Puits, c’est elle qui a voulu nous punir de chercher le trésor !

Dame Carcas c’est la vieille sarrasine qui jadis, paraît-il, défendit si longtemps Carcassonne contre les armées de Charlemagne. Le siège durait depuis des années, tous les assiégés étaient morts, il ne restait plus qu’elle, prétend la légende, et pendant sept années encore, toute seule dans l’imprenable forteresse, elle continua à défier les armées de l’Empereur à la barbe fleurie, à braver Roland, Olivier, l’archevêque Turpin et les autres pairs. Il fallut pour avoir raison de son obstination qu’une tour s’inclinât d’elle-même et fit sur le fossé comme un pont, qui permit l’entrée de la ville aux assiégeants.