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pourtant avait d’ordinaire la langue très alerte, soupirait et ne disait rien non plus. On n’entendait que l’ânesse Belleàvoir qui sous son appentis mâchonnait un peu de paille.

— Écoute, dit enfin Cassagnol, écoute, Colombe, je me tracasse et tu te tracasses, c’est vrai que la situation aujourd’hui manque de gaîté, le jardinage et les noces ne donnent guère… Quand les légumes vont, la musique peut chômer ; quand les noces marchent, on peut attendre la bonne volonté des légumes… Mais c’est une vraie malchance qui nous pour suit cette année !… Et la petite famille à élever ! Écoute, ma Colombe, aux garçons je ne donnerai rien, ils ont de bons bras, les gaillards, ils sauront s’en servir ! Déjà les deux grands savent souffler dans la flûte, ils pourront musiquer tout comme moi… mais pour marier nos filles, il nous faut des économies, l’aînée a déjà six ans…

— Six ans et trois quarts bientôt ! soupira Colombe.

Cassagnol se donna sur la tête un fort coup de poing, heureusement amorti par l’épaisseur de sa chevelure.

— Ah ! par la tignasse de dame Carcas ! nous aurions seulement trois cents noces par an, je m’en tirerais facilement… Dieu veuille multiplier les accordailles autour de chez nous, marier tout le Languedoc, et favoriser nos légumes !… Mais il fait toujours trop sec ou trop mouillé à contretemps, et puis il semble qu’on n’aime plus la musique…

Nouveaux coups de poing sur l’épaisse toison.

— Eh bien, alors, vois-tu… il faut…

— Eh bien ? demanda Colombe.

— Eh bien, il n’y a qu’une chose à faire, une chose sûre,… et qui arrangerait tout, je ne fais qu’y penser toutes les nuits…

— Quoi donc ?