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Belleàvoir souffle sur la figure d’Antoine ou bien agite ses oreilles. Cela le rafraîchit. Les enfants sont très sages, c’est à peine si de temps en temps, deux ou trois disputes viennent rompre le silence, avec un hihan de Belleàvoir, morigénant sans doute les enfants dans son langage.

Luc pince Fleurette, Finette tire les cheveux de Blaise, Cathounette pousse Cadette ou bien c’est tout le contraire. Cassagnol ouvre péniblement un œil sous ses paupières gonflées et fait la grimace. Colombe accourt pour rétablir l’ordre. Elle bassine les brûlures de son mari avec de l’eau salée, elle lui frotte la figure avec du blanc de poireau, Cassagnol gémit et parle tout seul.

Quel tumulte dans la tête du pauvre Cassagnol : l’alerte de la nuit, la poursuite du chafouin, les Espagnols, des arquebuses qui luisent dans Le fossé… Et l’escalade, les ruches enlevées, les abeilles tourbillonnantes acharnées sur les visages, les coups de canon… Puis le trésor, la cave qui s’écroule, une sarabande de Wisigoths à masques féroces brandissant des arquebuses… Il y a même des fées, Cassagnol dans sa fièvre entrevoit quelques figures de fées, jolies, mais enflammées de colère et les yeux lançant des éclairs.

Le trésor lui brouille la cervelle. Le compte, il faut faire le compte du trésor ! Il demande, il ordonne à Colombe de faire ce compte immédiatement, mais Colombe se récuse.

— Je ne saurais, dit-elle, je n’ai jamais vu tant d’argent à la fois, tu le sais bien, Antoine !

Par bonheur, l’après-midi, Cassagnol souffre beaucoup moins, il y a une accalmie dans sa fièvre. La maison renaît, les enfants ont la permission de rire et de chanter, ou même de se battre un peu. Belleàvoir gambade dans le jardin, il faut aller modérer ses ébats.