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beccus pour rositum, &c. On croit d’entendre le Malade-imaginaire. De-là viennent dans les familles des mots ces irrégularités qui défigurent notre Langue : nous sommes infideles & fideles tour-à-tour à l’étymologie. Nous disons penser, pensée, penseur, & tout-à-coup putatif, supputer, imputer, &c. Des mots étroitement unis par l’analogie, sont féparés par l’étymologie & réclament des peres différents, comme main & tact, œil & vue, nez, sentir, odorat, &c.

Mais, pour revenir à notre orthographe, on lui connoît trois inconvéniens ; d’employer d’abord trop de lettres pour écrire un mot, ce qui embarrasse sa marche ; ensuite d’en employer qu’on pourroit remplacer par d’autres, ce qui lui donne du vague ; & enfin, d’avoir des caractères dont elle n’a pas le prononcé, & des prononcés dont elle n’a pas les caractères. C’est par respect, dit-on, pour l’étymologie, qu’on écrit philosophie & non filosofie. Mais, ou le Lecteur sait le Grec, ou il ne le sait pas ; s’il l’ignore, cette orthographe lui semble bisarre & rien de plus : s’il connoît cette Langue, il n’a pas besoin qu’on lui rappelle ce qu’il sait. Les Italiens, qui ont renoncé dès long-tems à notre méthode, & qui écrivent comme ils prononcent, n’en savent pas moins le Grec ; & nous ne l’ignorons pas moins, malgré notre fidelle routine. Mais on a tant dit que les Langues sont pour l’oreille ! Un abus est bien fort, quand on a si long-tems raison contre lui. J’observerai cependant que les livres sont si fort multipliés, que les Langues sont autant pour les yeux que pour l’oreille : la réforme est presqu’impossible. Nous sommes accoutumés à telle ortho-