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généalogie si bisarre, qu’il faut la deviner au hasard, & la plus vraisemblable est souvent la moins vraie. Un usage, une plaisanterie, un événement dont il ne reste plus de traces, ont établi des expressions nouvelles, ou détourné le sens des anciennes. Comment donc se flatter d’avoir trouvé la vraie racine d’un mot ? Si vous me la montrez dans le Grec, un autre la verra dans le Syriaque, tel autre dans l’Arabe. C’est ainsi qu’un Français voit le nord en Allemagne, le Germain le voit en Suede, & le Suédois en Laponie. Souvent un radical vous a guidé heureusement d’une premiere à une seconde, ensuite à une troisieme Langue, & tout-à-coup il disparoit comme un flambeau qui s’éteint au milieu de la nuit. Il n’y a donc que quelques onomatopées, quelques sons bien imitatifs qu’on retrouve chez toutes les Nations : leur recueil ne peut être qu’un objet de curiosité. Il est d’ailleurs si rare que l’étymologie d’un mot coïncide avec sa véritable acception, qu’on ne peut justifier ces sortes de recherches par le prétexte de mieux fixer par-là le sens des mots. Les Ecrivains qui savent le plus de Langues, sont ceux qui commettent le plus d’impropriétés. Trop occupés de l’ancienne énergie d’un terme, ils oublient sa valeur actuelle & négligent les nuances, qui font la grace & la force du discours. Voici enfin une dernière réflexion : si les mots avoient une origine certaine & fondée en raison, & si on démontroit qu’il a existé un premier Peuple créateur de la premiere Langue, les noms radicaux & primitifs auroient un rapport nécessaire avec l’objet nommé. La définition que nous sommes forcés de faire de chaque chose,