Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fixer les époques, il se transporta dans des tems qui n’ont point existé pour l’homme, & là son imagination rassembla plus de faits que l’Histoire n’en a depuis gravé dans ses Annales : de sorte que ce qu’on appeloit le commencement du monde, & qui touchoit pour nous aux ténèbres d’une éternité antérieure, se trouve placé par lui entre deux suites d’événemens comme entre deux foyers de lumiere, Désormais l’histoire de la terre précedera celle de ses habitants.

Par-tout on voyoit la philosophie mêler ses fruits aux fleurs de la littérature, & l’Encyclopédie étoit annoncée. C’est l’Angleterre qui avoit tracé ce vaste bassin où doivent se rendre nos diverses connoissances ; mais il fut creusé par des mains Françaises. L’éclat de cette entreprise rejaillit sur la Nation & couvrit le malheur de nos armes. En même tems un Roi du Nord faisoit à notre Langue, l’honneur que Marc-Aurèle et Julien firent à celle des Grecs : il associoit son immortalité à la nôtre ; Frédéric voulut être loué des Français, comme Alexandre des Athéniens. Au sein de tant de gloire, parut le Philosophe de Genève. Ce que la morale avoit jus-