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Moliere ou Lafontaine, revêtent leurs idées de toutes les formes populaires ; mais avec tant de sel, de goût & de vivacité, qu’ils sont à la fois les modeles & les répertoires de leur Langue. Cependant leurs couleurs plus locales s’effacent à la longue ; le charme du style mêlé s’affadit ou se perd, & ils ne sont pour la postérité qui ne peut les traduire, que les Ecrivains de leur Nation. Il seroit donc aussi injuste de juger de l’abondance de notre Langue par le Télémaque ou Cinna seulement, que de la population de la France par le petit nombre appelé, la bonne compagnie.

J’aurois encore pu examiner jusqu’à quel point & par combien de nuances, les Langues passent & se dégradent en suivant le déclin des États. Mais il suffit de dire, qu’après s’être élevées d’époque en époque, jusqu’à la perfection, c’est en vain qu’elles en descendent : elles y sont fixées par les bons livres, & c’est en devenant Langues mortes, qu’elles se font réellement immortelles. Le mauvais latin du bas Empire n’a-t-il pas donné un nouveau lustre à la belle latinité du siecle d’Auguste ? Les grands Ecrivains ont tout fait. Si notre France cessoit d’en produire, la Langue de