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que tout est bon pour l’homme de Cabinet & de travail, qui ne cherche le soir, qu’un délassement dans les spectacles et les chefs-d’œuvre des arts : mais pour les ames excédées de plaisirs & lasses de repos, il faut sans cesse des attitudes nouvelles & des sensations toujours plus exquises. Et c’est ici le lieu d’examiner ce reproche de pauvreté & d’extrême délicatesse si souvent fait à la Langue Française. Sans doute, il est difficile d’y tout exprimer avec noblesse ; mais voilà précisément ce qui constitue en quelque sorte son caractère. Les styles sont classés dans notre Langue, comme les sujets dans notre Monarchie : deux expressions qui conviennent à la même chose, & c’est à travers cette hiérarchie des styles que le bon goût sait marcher. On peut ranger nos grands Ecrivains en deux classes. Les premiers, tels que Racine et Boileau, doivent tout à un grand goût & à un travail obstiné ; ils parlent un langage parfait dans ses formes, sans mêlange, toujours idéal, toujours étranger au peuple qui les environne : ils deviennent les Ecrivains de tous les tems, & perdent bien peu dans la postérité. Les seconds, nés avec plus d’originalité, tels que