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& sa force dans l’ordre direct ; cet ordre & cette clarté ont dû sur-tout dominer dans la prose, & la prose a dû lui donner l’empire ; cette marche est dans la nature : rien n’est en effet comparable à la prose Française.

Il y a des piéges & des surprises dans les Langues à inversions : le Lecteur reste suspendu dans une phrase Latine, comme le Voyageur devant des routes qui se croisent ; il attend que toutes les finales l’ayent averti de la correspondance des mots ; son oreille reçoit ; et son esprit, qui n’a cessé de décomposer pour composer encore, résout enfin le sens de la phrase, comme un problême. La prose Française se développe en marchant & se déroule avec grace & noblesse. Toujours sûre de la construction de ses phrases, elle entre avec plus de bonheur dans la discussion des choses abstraites, & sa sagesse donne de la confiance à la pensée. Les Philosophes l’ont adoptée, parce qu’elle s’accommode également, & de la frugalité didactique & de la magnificence qui convient à grande histoire de la Nature.

On ne dit rien en vers qu’on ne puisse aussi-bien exprimer dans notre prose ; & cela n’est pas toujours réciproque. Le Prosateur tient