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Supposons cependant que l’Angleterre eût été moins lente à sortir de la barbarie, & qu’elle eût précédé la France ; il me semble que l’Europe n’en auroit pas mieux adopté sa Langue : sa position n’appelle pas les voyageurs, & la France leur sert toujours de passage ou de terme. L’Angleterre vient elle-même faire son commerce chez les différens peuples, & on ne va point commercer chez elle. Or, celui qui voyage, ne donne pas sa Langue ; il prend plutôt celle des autres : c’est presque sans sortir de chez lui que le Français a étendu la sienne.

Supposons enfin que par sa position, l’Angleterre ne se trouvât pas reléguée dans l’Océan & qu’elle eût attiré ses voisins ; il est encore probable que sa langue & sa littérature n’auroient pu fixer le choix de l’Europe ; car il n’est point d’objection un peu forte contre la Langue Allemande, qui n’ait encore de la force contre celle des Anglais : les défauts de la mere ont passé jusqu’à la fille. Il est vrai aussi que les objections contre la Littérature Anglaise, deviennent plus terribles contre celle des Allemands : ces deux peuples s’excluent l’un par l’autre.