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garda si bien l’empire qu’elle avait acquis ; que ce fut dans cette même Langue, organe de son ancien despotisme, que ce Prince fut humilié vers la fin de ses jours. Ses prospérités, ses fautes et ses malheurs servirent également à la Langue : elle s’enrichit, à la révocation de l’Edit de Nantes, de tout ce que perdoit l’Etat. Les Réfugiés emporterent dans le Nord leur haine pour le Prince & leurs regrets pour la patrie, & ces regrets et cette haine s’éxhalerent en français.

Il semble que c’est vers le milieu du regne de Louis XIV que le Royaume se trouva à son plus haut point de grandeur relative. L’Allemagne avait des Princes nuls ; l’Espagne était divisée & languissante, l’Italie avoit tout à craindre, l’Angleterre et l’Ecosse n’étoient pas encore unies, la Prusse & la Russie n’existoient pas. Aussi l’heureuse France, profitant de ce silence de tous les Peuples, triompha dans la paix, dans la guerre et dans les arts : elle occupa le monde de ses projets, de ses entreprises & de sa gloire. Pendant près d’un siecle, elle donna à ses Rivaux & les jalousies littéraires, et les allarmes politiques, et la fatigue de l’admiration. Enfin l’Europe, lasse d’admirer & d’en-