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son empire a été celui du goût. Les opinions exagérées du nord et du midi, viennent y prendre une teinte qui plaît à tous. Il faut donc que la France craigne de détourner, par la guerre, cet incroyable penchant de tous les Peuples pour elle : quand on regne par l’opinion, est-il besoin d’autre empire ?

Je suppose ici que si le principe du Gouvernement s’affoiblit chez l’une des deux Nations, il s’affoiblit aussi dans l’autre, ce qui fera subsister long-tems le parallèle & leur rivalité : car si l’Angleterre avoit tout son ressort, elle seroit trop remuante ; & la France seroit trop à craindre si elle déployoit toute sa force. Il y a pourtant cette observation à faire, que le monde politique peut changer d’attitude, & la France n’y perdroit pas beaucoup : il n’en est pas ainsi de l’Angleterre, & je ne puis prévoir jusqu’à quel point elle tombera pour avoir plutôt songé à étendre sa domination que son commerce.

La différence de Peuple à Peuple n’est pas moins forte d’homme à homme. L’Anglais, sec et taciturne, joint à l’embarras et à la timidité de l’homme du nord, une impatience, un dégoût de toute chose qui va souvent jusqu’à celui de la vie : le Français a une saillie de gaieté qui ne l’a-