Il faut apprendre une Langue étrangere, pour connoître sa Littérature, & non pour la parler ou l’écrire. Celui qui sait bien sa propre Langue, est en état d’écrire ou du moins de distinguer dix à douze styles différens ; ce qu’il ne peut se promettre dans une autre Langue. Il faut au contraire se résoudre, quand on parle une Langue étrangere, à être sans finesse, sans grace, & souvent sans justesse.
On peut diviser la Nation Française en deux Classes, par rapport à leur Langue ; la premiere est de ceux qui connoissent les sources d’où elle a tiré ses richesses : l’autre est de ceux qui ne savent que le Français. Les uns & les autres ne voyent pas la Langue du même œil, & n’ont pas en fait de stylc les mêmes données.
La Religion Chrétienne qui ne s’est pas, comme celle des Grecs, intimément liée au Gouvernement & aux Institutions publiques, n’a pu annoblir, comme elle, une foule d’expressions. Ce sera toujours-là une des grandes causes de notre disette. L’Opera n’étant point une solemnité, ses Dieux ne sont pas ceux du peuple ; & si nous voulons un Ciel Poétique, il faut l’emprunter. Nos Ancêtres, avec leurs mysteres, commençoient bien comme les Grecs ; mais nos Magistrats qui n’étoient pas Prêtres, ne firent pas assez respecter cette Poésie Sacrée, & elle fut étouffée en germe par le ridicule.
La Religion, loin de fournir au Dictionnaire des