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vacances d’écolier, plus tard de clerc de notaire, le ramènent au pays, il court les environs. Dans ses promenades aux bords du Cher, il a vu l’auberge où le coup a été préparé, les fermes où l’on a volé des chevaux, le bouquet d’arbres où les ravisseurs ont revêtu leur déguisement et qui en a gardé le nom de Bois des Brigands ; peut-être a-t-il accompagné son père dans la maison du Sénateur. Or déjà, à cette époque, il rêve la gloire littéraire ; déjà, sous un pseudonyme, ont paru ses premiers essais ; il en prépare d’autres ; il est en quête de sujets de romans. N’en serait-ce pas un que le mystérieux attentat de 1800 ? Simple impression encore : aucune idée précise, nul dessein arrêté ; rien que la conception d’une chose possible. Il y songe comme il songe aux Chouans, et, à tout hasard, il se documente. Il porte à s’informer cette curiosité ardente et pratique dont Sainte-Beuve dira : « Il venait, il causait avec vous et savait interroger à son profit. Il savait écouter ; mais, même quand il n’avait pas écouté, quand il semblait n’avoir vu que lui et son idée, il sortait ayant emporté de là, ayant absorbé tout ce qu’il voulait savoir, et il vous étonnait plus tard à le décrire. » Il questionne chacun, ceux qui ont vu, ceux qui ont entendu dire, sollicite, note, rapproche les détails, et, soudain, de tel ou tel fait insignifiant, tire toute une vision. À cette vision, son imagination prête la vie, une vie intense, qui, substituant le possible au réel, transforme bientôt ce possible en probable et ce probable en certain, car, à force de vivre avec sa fiction, il finit par croire – et par faire croire – que c’est arrivé !