Page:Rinn - Un mystérieux enlèvement, 1910.djvu/193

Cette page n’a pas encore été corrigée

entre les mains des personnes de confiance chargées de les mettre à la poste[1]. »

L’attitude équivoque du Sénateur favorisait cette agitation. Invité à se prêter à une confrontation sollicitée par les prisonniers eux-mêmes, ou bien il ne répondait pas, ou bien il s’excusait sur l’état de sa santé. Cette abstention, fort commentée, s’expliquait au début par l’affaissement, physique et moral, qui paralysait sa volonté[2], et aussi par le sentiment que sa déposition serait impuissante à rien modifier. Que dirait-il, sur les faits, que ne contînt sa déclaration du 19 vendémiaire ? Quant aux inculpés ou aux détenus, n’était-il pas, en pure perte, intervenu en faveur de Cassenac et de Monnet[3] ? N’avait-il pas proclamé sa foi en l’innocence de Lemesnager, affirmé son désir que personne ne fût frappé à cause de lui[4] ? Plus tard, l’arrestation de de Canchy et de de Mauduison le jeta en de cruelles perplexités. Il les savait coupables ; il savait aussi qu’on leur avait promis l’oubli. Pouvait-il comparaître sans le dire ? Pouvait-il le dire sans découvrir Fouché, à qui, somme toute, il était redevable de sa liberté ? Abstraction faite de ce problème de conscience, qui servait mieux les accusés, d’une abstention laissant place au doute, ou d’une intervention, qui, affirmant leur participation au crime, ne les sauvait pas et risquait de créer d’autres victimes ? La Justice ne lâcherait pas ceux qu’elle tenait, et assurée, par sa déposition, de leur culpabilité, elle

  1. Lettre du 5 pluviôse, au Ministre de la Police (Archives nationales).
  2. Voir page 134.
  3. Voir page 136.
  4. Voir page 138.