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pour un homme de cet âge[1], habitué à une tout autre vie. Sa nourriture lui était passée par la trappe : c’était, le matin, du raisin et du pain blanc ; à dîner, de la soupe et des œufs[2] ; à souper, du lait et ce qu’on pouvait lui procurer sur sa demande. La nuit, on le laissait seul ; mais, tout le jour, il était gardé à vue, le plus souvent par un des brigands, toujours le même[3], parfois, et principalement aux heures des repas, par un paysan, tous deux la tête voilée. Le paysan l’exhortait à prendre patience, à espérer la fin de ses maux ; le brigand tantôt lui tenait le même langage, tantôt le menaçait de mort si sa rançon n’était pas payée et payée en silence. Et les jours, les nuits passaient, dans une interminable attente soutenue par un inébranlable espoir, à songer aux siens, à se demander à quoi s’occupaient les autorités, à épier les moindres bruits présageant la délivrance, à commenter une inaction qu’il ne s’expliquait pas.


II

Un soir enfin, – c’était le 16 vendémiaire, – des individus masqués viennent le prendre. À cheval, au pas, les yeux bandés, – toujours l’infernal bandeau ! – il est conduit jusqu’à une grange[4],

  1. Il avait cinquante ans passés.
  2. Carré de Busserolle, sous réserves, et d’après A. de Beauchamp, dit qu’il préférait les œufs à tout autre aliment, par crainte d’être empoisonné. Crainte peu vraisemblable. Si les brigands eussent voulu se débarrasser de leur victime, ils avaient à leur disposition bien d’autres moyens que le poison.
  3. Ce brigand, haut de 5 pieds ½, était vêtu d’une veste de drap rapiécée au coude, et d’un pantalon enfoncé dans des demi-bottes.
  4. Craignant d’être découverts, lors de la battue des 16-17 vendémiaire, les brigands sommèrent le fermier du Portail de trouver pour le prisonnier une autre cachette. Il les conduisit à une grange isolée, peu loin de Ferrières-sous-Beaulieu, et appartenant à un de ses cousins, nommé, comme lui, Jourgeon. Déposition de Jourgeon à l’instruction.